La relecture hasardeuse de ce noble haïku me transporte dans des émois singuliers. Toujours la profondeur des mots, l’ardeur de leur survenue et la richesse métaphysique de leur sens célèbrent l’élévation spirituelle, et dans un élan de foi et d’espoir, porte l’individu dans les hautes sphères de l’émotion, du trouble métapsychique, exhale une ivresse solennelle et absolue…
D’abord, la concision. On remarque la construction octosyllabique, dont l’asymétrie tranchée par une virgule presque centrale marque la verve emportée et sauvage d’un auteur nihiliste à l’égard des conventions poétiques –il convient dès lors de concéder que la quintessence du génie poétique réside dans le rejet volontaire (si tant est que l’inspiration soit mue par la volonté, autre point non débattu ici, C.Q.F.D.) d’un prétendu conventionnalisme syntaxique. En dire beaucoup en peu de mots, telle est la promesse de l’auteur, qui concilie précision journalistique et évasion littéraire. Attention génie.
Le jeu des sonorités, aussi, moule la noblesse de ce monument littéraire. On commence par un l doux et envoûtant, on achève la lecture par un t guttural, sec. Dans la première moitié (ponctuationnelle et non syllabique, faut suivre un peu !), la prédominance du son a appelle à l’articulation, remémorant des ricochets audacieux sur une eau limpide. Le b préludant la fin de ce premier chapitre fait surgir un batracien bavard, ou une bulle éclatante. On note ainsi l’engagement de l’auteur contre l’économie spéculative, monument d’un capitalisme intrépide et menaçant.
Puis le v répété, son fuyant et rapide, complète ce sentiment d’éclatement, d’emportement vers des horizons poétiques infinis. Un glissement furtif, ombre spectrale d’une divinité déchue, ou au contraire naissance miraculée d’un enthousiaste prophète de jours meilleurs (allez les prolos, on y va !!)…
En bref, une merveille métaphysique, un trésor poétique, une affusion d’images colorées et d’idées révolutionnaires insoupçonnées.
Le Chat, animal mystère, est ici privé de sa majuscule pour mieux le rendre familier. Symbole de Grâce et de Dextérité, au cœur de nombreuses religions (on se rappellera les mystères isiaques et la divination féline) et de contes, qui lui attribueront même l’excentricité de bottes. L’espion aux pattes de velours débute ainsi le vers unique (solitaire !!) afin de mieux introduire le lecteur dans un univers sibyllin et fantasmagorique, où cohabitent mystère et débonnaireté.
Le chat, dépourvu de qualificatif, apparaît nouveau et connu à la fois, tant maître des lieux qu’invité. On peut lui prêter toutes les couleurs ou, mieux, percevoir l’essence même de son symbole et s’absoudre ainsi de toute considération esthétique superflue. Il est le chat, le nommer étant presque déjà outrepasser le ressenti de son vécu, entacher sa spiritualité primitive. Le chat, ami sincère et ésotérique, précieux et inestimable.
Le mythe de la Boisson –si cher à la poésie désabusée du XIXième- étreint bientôt l’animal. Le présent intensifie l’effort, tout en lui donnant un caractère intemporel. On ne sait ce dont l’animal s’abreuve, on peut dès lors lui prêter une consommation alcoolique, au même titre que la délectation originelle d’une eau sainte. Avec le thème de la boisson, l’auteur convoque l’instinct de survie (avec l’eau) ou d’assassinat de la conscience (Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles : / « Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité, / Sous ma prison de verres et mes cires vermeilles, / Un chant plein de lumière et de fraternité ! …» Baudelaire). Appât du vice pour l’infortuné, ou millésime contemplatif du Bourgeois… ? Le chat prépare-t-il son ascension vers les paradis artificiels, est-il mélancolique ou contente-t-il simplement son organisme déshydraté ?
La virgule rompt ces interrogations et bâtit un pont suspendu entre deux univers kafkaïens, interrompt le souffle et précipite ainsi le silence. Surprenante, elle décourage toute symétrie et assoiffe le lecteur. On cherche la suite, on frémisse d’impatience, mais on prend en outre le temps de savourer rétrospectivement les premiers mots, lus à la hâte et galopant. Puis on entre de l’autre coté, on pousse les portes de la suite (5 étoiles bonjour) et on la dévore pieusement.
L’adverbe « vive » inspire immédiatement un univers jovial à l’heure de la célébration, porte le souffle de l’espoir et de la gaieté. Gloire et dévotion éclatent dans ce terme si prompt, si jouissif, si essentiel. Explosion de couleurs et d’idéaux, rêve d’enfant, d’avenir… de révolution prolétaire… passons… passions…
Enfin, pour une fin époustouflante, l’icône du pâté. Au cœur de la plus noble gastronomie, aliment monarque et précieux, le pâté demeure incontestablement la marque de noblesse de tout l’haïku. Evoquant des saveurs raffinées couplées à un esthétisme parfait, les dernières notes dénoncent le caractère introspectif du poème, bâtissent son ambitieuse profondeur intellectuelle et émotionnelle.
Plus que des mots déposés au gré des velléités littéraires de leur auteur, cet haïku incarne un hymne à la pensée progressiste et un hommage culturel. Lorsque poétique rime avec politique. Nous, on aime. Pas vous ?
1 De Mandine - 22/07/2007, 17:59
La relecture hasardeuse de ce noble haïku me transporte dans des émois singuliers. Toujours la profondeur des mots, l’ardeur de leur survenue et la richesse métaphysique de leur sens célèbrent l’élévation spirituelle, et dans un élan de foi et d’espoir, porte l’individu dans les hautes sphères de l’émotion, du trouble métapsychique, exhale une ivresse solennelle et absolue…
D’abord, la concision. On remarque la construction octosyllabique, dont l’asymétrie tranchée par une virgule presque centrale marque la verve emportée et sauvage d’un auteur nihiliste à l’égard des conventions poétiques –il convient dès lors de concéder que la quintessence du génie poétique réside dans le rejet volontaire (si tant est que l’inspiration soit mue par la volonté, autre point non débattu ici, C.Q.F.D.) d’un prétendu conventionnalisme syntaxique. En dire beaucoup en peu de mots, telle est la promesse de l’auteur, qui concilie précision journalistique et évasion littéraire. Attention génie.
Le jeu des sonorités, aussi, moule la noblesse de ce monument littéraire. On commence par un l doux et envoûtant, on achève la lecture par un t guttural, sec. Dans la première moitié (ponctuationnelle et non syllabique, faut suivre un peu !), la prédominance du son a appelle à l’articulation, remémorant des ricochets audacieux sur une eau limpide. Le b préludant la fin de ce premier chapitre fait surgir un batracien bavard, ou une bulle éclatante. On note ainsi l’engagement de l’auteur contre l’économie spéculative, monument d’un capitalisme intrépide et menaçant.
Puis le v répété, son fuyant et rapide, complète ce sentiment d’éclatement, d’emportement vers des horizons poétiques infinis. Un glissement furtif, ombre spectrale d’une divinité déchue, ou au contraire naissance miraculée d’un enthousiaste prophète de jours meilleurs (allez les prolos, on y va !!)…
En bref, une merveille métaphysique, un trésor poétique, une affusion d’images colorées et d’idées révolutionnaires insoupçonnées.
Le Chat, animal mystère, est ici privé de sa majuscule pour mieux le rendre familier. Symbole de Grâce et de Dextérité, au cœur de nombreuses religions (on se rappellera les mystères isiaques et la divination féline) et de contes, qui lui attribueront même l’excentricité de bottes. L’espion aux pattes de velours débute ainsi le vers unique (solitaire !!) afin de mieux introduire le lecteur dans un univers sibyllin et fantasmagorique, où cohabitent mystère et débonnaireté.
Le chat, dépourvu de qualificatif, apparaît nouveau et connu à la fois, tant maître des lieux qu’invité. On peut lui prêter toutes les couleurs ou, mieux, percevoir l’essence même de son symbole et s’absoudre ainsi de toute considération esthétique superflue. Il est le chat, le nommer étant presque déjà outrepasser le ressenti de son vécu, entacher sa spiritualité primitive. Le chat, ami sincère et ésotérique, précieux et inestimable.
Le mythe de la Boisson –si cher à la poésie désabusée du XIXième- étreint bientôt l’animal. Le présent intensifie l’effort, tout en lui donnant un caractère intemporel. On ne sait ce dont l’animal s’abreuve, on peut dès lors lui prêter une consommation alcoolique, au même titre que la délectation originelle d’une eau sainte. Avec le thème de la boisson, l’auteur convoque l’instinct de survie (avec l’eau) ou d’assassinat de la conscience (Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles : / « Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité, / Sous ma prison de verres et mes cires vermeilles, / Un chant plein de lumière et de fraternité ! …» Baudelaire). Appât du vice pour l’infortuné, ou millésime contemplatif du Bourgeois… ? Le chat prépare-t-il son ascension vers les paradis artificiels, est-il mélancolique ou contente-t-il simplement son organisme déshydraté ?
La virgule rompt ces interrogations et bâtit un pont suspendu entre deux univers kafkaïens, interrompt le souffle et précipite ainsi le silence. Surprenante, elle décourage toute symétrie et assoiffe le lecteur. On cherche la suite, on frémisse d’impatience, mais on prend en outre le temps de savourer rétrospectivement les premiers mots, lus à la hâte et galopant. Puis on entre de l’autre coté, on pousse les portes de la suite (5 étoiles bonjour) et on la dévore pieusement.
L’adverbe « vive » inspire immédiatement un univers jovial à l’heure de la célébration, porte le souffle de l’espoir et de la gaieté. Gloire et dévotion éclatent dans ce terme si prompt, si jouissif, si essentiel. Explosion de couleurs et d’idéaux, rêve d’enfant, d’avenir… de révolution prolétaire… passons… passions…
Enfin, pour une fin époustouflante, l’icône du pâté. Au cœur de la plus noble gastronomie, aliment monarque et précieux, le pâté demeure incontestablement la marque de noblesse de tout l’haïku. Evoquant des saveurs raffinées couplées à un esthétisme parfait, les dernières notes dénoncent le caractère introspectif du poème, bâtissent son ambitieuse profondeur intellectuelle et émotionnelle.
Plus que des mots déposés au gré des velléités littéraires de leur auteur, cet haïku incarne un hymne à la pensée progressiste et un hommage culturel. Lorsque poétique rime avec politique. Nous, on aime. Pas vous ?